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Territorialité de la TVA sur les services des data centers

CJUE 02/07/2020 aff. 215/19

Les services d’hébergement de données de type data centers ont-ils un caractère immobilier ? Ces sociétés fournissent en effet des prestations de sauvegarde de données à partir de véritables immeubles dédiés à cette activité assurant ainsi la surveillance, la maintenance électrique, informatique…

L’enjeu en matière de TVA intracommunautaire est le suivant :

  • si il s’agit d’une prestation classique, il est fait application des règles de territorialité de droit commun : le prestataire facture hors taxe et le preneur situé dans un autre pays de l’Union Européenne est redevable de la TVA qu’il auto-liquide.
  • s’il s’agit de prestations rattachées à des immeubles, la TVA est due par le prestataire à l’endroit où se situe le data center. Si le preneur se situe dans un autre état membre, il devra demander le remboursement de la TVA dans le pays du prestataire.

L’article 31 bis du règlement d’exécution UE/282/2011 dispose que les services se rattachant à un immeuble sont ceux qui présentent un lien suffisamment direct avec un bien immeuble et notamment lorsque le bien immeuble est un élément constitutif du service et qu’il est central et essentiel.

La position soutenue par l’administration fiscale consistait à considérer que des installations spécifiques telles que des baies de brassage faisaient de l’immeuble un bien particulier objet d’une location. La Cour rejette cet argument en constatant de ces installations sont déplaçables. Elle ajoute que le stockage mis à disposition des clients du data center ne correspond pas à un droit d’usage exclusif de tout ou partie de l’immeuble. Dès lors cette prestation ne peut être considérée comme se rattachant à un bien immobilier.

Date d’acquisition en cas de licitation d’immeuble

CE 8e-3e chambre 09/09/2020 n° 436712

La licitation d’immeuble est l’acquisition par l’un des propriétaires d’une indivision de l’ensemble du bien auprès de ses co-indivisaires.

Selon les dispositions du IV de l’article 150 U du CGI, cette opération est un partage et non un acte translatif de propriété générateur de plus-value :

IV. – Le I* ne s’applique pas aux partages qui portent sur des biens meubles ou immeubles dépendant d’une succession ou d’une communauté conjugale et qui interviennent uniquement entre les membres originaires de l’indivision, leur conjoint, des ascendants, des descendants ou des ayants droit à titre universel de l’un ou de plusieurs d’entre eux.

* imposition des plus-values à l’impôt sur le revenu

En cas de revente ultérieure d’un tel bien, la question se pose de savoir quelle est la date d’acquisition de ce bien pour celui qui l’a acquis auprès de ses co-indivisiaires : s’agit-il de la date de la date de la succession ou de la date de la licitation intervenue plus tard ?

Le Conseil d’État juge que seule la date de la succession doit être retenue puisque la licitation n’est pas un acte translatif de propriété générateur de plus-value.

CIR : les sous-traitants ne tiennent pas compte des dépenses du donneur d’ordre

CE 8e-3e chambre 09/09/2020 n° 440523, SARL Takima

Les dépenses de recherche effectuées par un sous-traitant agréé pour le compte d’un donneur d’ordre entrent dans la base de calcul du Crédit d’Impôt Recherche de ce dernier.

CGI, Article 244 quater B :

III Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu’elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les organismes ou experts désignés au d et au d bis du II*, pour le calcul de leur propre crédit d’impôt.

* notamment les dépenses exposées pour la réalisation d’opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés

Le III de l’article 244 quater B, pris littéralement, laisse penser que ces sommes facturées par le sous-traitant doivent être déduite de sa propre base de calcul du CIR. Évidemment, en contrepartie, celui-ci peut ajouter dans sa base de calcul les dépenses engagées pour ce même projet. Mais, naturellement, les montants facturés au donneur d’ordre sont généralement supérieurs aux dépenses engagées, le sous-traitant n’ayant pas vocation à perdre de l’argent. Ainsi les montants déduits de la base de calcul sont, la plupart du temps, supérieurs aux montants ajoutés, ce qui conduit à pénaliser son CIR sur d’autres projets qui lui sont propres.

Exemple : l’entreprise sous-traitante facture 10.000 € à son donneur d’ordre. Elle a engagé 8.000 € de dépenses au titre de ce projet. Le donneur d’ordre pourra inclure 10.000 € dans la base de calcul de son CIR. Quant à l’entreprise sous-traitante, elle pourra inclure 8.000 € dans sa base de calcul mais devra déduire les 10.000 € reçus du donneur d’ordre. Sa base de calcul sera ainsi négative : 8.000 € – 10.000 € = -2.000 €. Ce montant viendra s’imputer sur les autres projets du sous-traitant.

Cette application littérale des textes est celle retenue par l’administration fiscale (BOI-BIC-RCI-10-10-20-30 n°220).

Dans une affaire jugée par le Conseil d’État, le contribuable forme un recours pour excès de pouvoir face à l’administration et soulève une question prioritaire de constitutionnalité : la méthode conduit à une différence de traitement du contribuable selon qu’il engage ou non des dépenses de recherches propres.

Le Conseil d’État juge qu’il n’y a pas lieu de transmettre une QPC au Conseil Constitutionnel. Il suffit de s’attacher à la volonté du législateur. Le terme « déduire » figurant à l’article 244 quater B doit être interprété comme interdisant au sous-traitant d’inclure dans ses dépenses éligibles celles de son donneur d’ordre. Par suite, elle n’a pas lieu de déduire de sa base de calcul les montants facturés. L’ensemble des produits et des charges relatifs à un projet du donneur d’ordre doivent être purement et simplement ignorés.

Exemple (suite) : dans l’exemple précédent, le donneur d’ordre inclut 10.000 € dans ses dépenses éligibles au CIR. Le sous-traitant ne tient compte ni de cette facturation ni des dépenses engagées pour ce projet.

Dutreil et FBO

Réponse Patriat : Sénat 03/09/2020 n°6410

Le Family Buy Out est la technique de transmission familiale qui consiste, pour un chef d’entreprise, à donner des titres à ses enfants qui les apportent eux-même à une holding créée à cet effet. Dans le cas de versement d’une soulte à un ou plusieurs enfants qui ne bénéficieraient pas de la donation, la charge de celle-ci est reprise par la société holding (apport à titre onéreux).

Si toutes les conditions du dispositif Dutreil sont remplies, cet apport ne remet pas en cause l’abattement de 75 % sur les droits de donation à condition que l’apport intervienne pendant la durée des engagements (collectifs et individuels) des repreneurs.

Le ministre précise que l’exonération partielle n’est pas remise en cause en cas d’apport, par les héritiers, à plusieurs sociétés holding distinctes.

Sa réponse contient également une précision quant aux conditions de la direction de la société holding : l’apport ne rompt pas l’engagement sous réserve que« les bénéficiaires de l’exonération en détiennent au moins 75 % du capital et des droits de vote et que l’un d’entre eux en assure la direction ». Ainsi, la direction de la société holding semble devoir être assurée par les seuls bénéficiaires de l’apport, c’est-à-dire les héritiers signataires de l’engagement collectif et de l’engagement individuel et non par le donateur.

Cession de titres annulée : l’impôt peut être réclamé

CE 8e-3e chambre 09/09/2020 n° 433821

Lorsqu’un contribuable souhaite se prévaloir d’une doctrine administrative, il doit en faire application lors de sa déclaration selon la jurisprudence (CE 20-12-1972 n° 81828 plén. : Dupont 1973 p. 127 ; CE 26-4-1976 n° 94233 plén. : RJF 6/76 n° 289). A défaut, il ne pourra s’en prévaloir ultérieurement et ce sont les dispositions légales qui s’appliqueront.

En matière de plus-values sur titres, l’article 150-0 A du CGI ne prévoit pas de remboursement de l’imposition d’une plus-value sur cession de titres en cas d’annulation de leur cession. A l’inverse, la doctrine administrative (RPPM-PVBMI-30-10-10) admet que « si ultérieurement le contrat est annulé, résolu ou rescindé, le contribuable peut obtenir, sur réclamation, une restitution partielle ou totale des droits indûment versés ».

Le contribuable peut-il se prévaloir de la doctrine dans ce cas ?

Oui, répond le Conseil d’État, car l’application de ce principe ne peut être faite au moment de la déclaration de l’impôt. Ce n’est qu’après avoir constaté la résolution de la vente que le contribuable est en mesure de l’appliquer. C’est donc une exception au principe dégagé par la jurisprudence.