Exonération de TVA des groupements de moyens

BOI-RES-000082

Dans une décision de rescrit du 10 février 2021, l’administration fiscale se prononce sur les modalités d’exonérations des groupements de moyens dont les membres sont, pour partie, des organismes d’intérêt général exonérés de TVA.

On rappelle que, en vertu de l’art. 261 B du CGI, « les services rendus à leurs adhérents par les groupements » (SCM, GIE…) « exerçant une activité exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti sont exonérées (…) à la condition » :

  • « qu’ils concourent directement et exclusivement à la réalisation de ces opérations exonérées ou exclues du champ d’application »
  • « et que les sommes réclamées aux adhérents correspondent exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes »

L’administration admet que lorsque des membres du groupement sont redevables de la TVA, l’exonération reste applicable si pour chacun d’entre eux la part des recettes taxables n’excède pas 20 % du total de ses recettes individuelles.

De même, elle tolère que le groupement puisse fournir des services à des non-membres dans la limite de 50% de son chiffre d’affaires globale sans remettre en cause l’exonération. La part des services ainsi rendus à des non-membres est taxable.

La CJUE (CJUE, 4 mai 2017, Commission contre Luxembourg, aff. C-247/15 et CJUE, 20 novembre 2019, Infohos, aff. C-400/18) admet que ces conditions puissent être assouplies pour les groupements dont les membres sont exonérés en raison de l’exercice d’une activité d’intérêt général. Dans ce cas, le seuil de 20 % applicable à chaque membre peut être dépassé sans remettre en cause l’exonération. Dans ce cas, seules les prestations rendues par le groupement et qui concourent à la réalisation des opérations non taxables sont exonérées. Les prestations rendues par le groupement pour la réalisation d’opérations taxable par un de ses membres sont donc soumises à TVA.

Les activités d’intérêt générales sont définies à l’article 132 de la directive 2006/112 du 28 novembre 2006 (retranscrit au 4 sauf 10° et au 7 de l’article 261), c’est-à-dire notamment les services de soins médicaux et à l’enseignement ainsi que les organismes d’utilité générale à caractère culturel, sportif, philanthropique… En sont donc exclus les organismes bancaires et d’assurance.

Définition d’un établissement stable

CE plén. 11-12-2020 n° 420174, min. c/ Société Conversant International Limited

Dans une décision rendue le 11 décembre 2020, le Conseil d’État précise la définition d’un établissement stable pour une société irlandaise dont une société sœur agissait pour elle dans le cadre d’un contrat de prestation intragroupe. La société française fournissait à la société irlandaise des prestations administratives, de marketing et de management.

En matière d’impôt sur les sociétés, la convention franco-irlandaise définit, de manière tout à fait conventionnelle, un établissement stable comme une installation fixe d’affaires. Mais elle précise qu’il peut s’agir aussi d’une personne non indépendante exerçant habituellement en France des pouvoirs lui permettant de l’engager dans une relation commerciale ayant trait aux activité de la société. Il en est ainsi selon le Conseil d’État , de la « société française qui, de manière habituelle, même si elle ne conclut pas formellement de contrats au nom de la société irlandaise, décide de transactions que la société irlandaise se borne à entériner et qui, ainsi entérinées, l’engagent. »

Dans cette affaire qui remonte à une période antérieure à la réforme de 2010 des règles de territorialité en matière de prestation de services, le Conseil d’État précise également la notion d’établissement stable au regard de la TVA. On rappelle que l’enjeu est ici de déterminer autant le lieu d’imposition que le redevable selon qu’il existe ou non un établissement stable dans le pays de la prestation.

La Cour d’Appel avait relevé que « la société française disposait des personnels nécessaires aux opérations de commercialisation (…), ainsi qu’à la fourniture (…) des services de direction et d’assistance (…) » mais que les « salariés ne pouvaient décider seuls de la mise en ligne des annonces publicitaires » et « qu’aucun de ces équipements n’était situé sur le territoire français et que le parc informatique limité dont disposait la société française (…) n’était pas assez puissant pour permettre la prise en charge des traitements d’exécution des campagnes publicitaires. »

Toutefois le Conseil d’État relève que « la société française dispose des moyens humains rendant possible, de manière autonome, la fourniture des prestations de la société irlandaise, notamment des moyens humains qui lui permettent de prendre la décision de conclure, avec un annonceur, un contrat lui ouvrant le bénéfice des services dont la société irlandaise assure l’exploitation. »

Il conclut que « les salariés de la société française doivent être regardés comme disposant de moyens techniques adaptés rendant possible, de manière autonome, la fourniture des prestations de la société irlandaise, quand bien même aucun centre de données utilisé pour l’exécution des fonctionnalités de mise en relation n’est localisé en France, pas davantage d’ailleurs qu’en Irlande. »

Le Conseil d’État donne ici une illustration particulière d’une installation fixe d’affaires qui ressort d’un pouvoir décisionnel de contracter, accordé à une équipe de salariés.

TVA sur la marge : refus d’une QPC

CE 8e et 3e chambre, 16/07/2020 n°435464

Le régime de la TVA sur la marge ne s’applique pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de son acquisition, était un terrain bâti, même si le bâtiment a été démoli par l’acheteur-revendeur.

Le Conseil d’État avait posé le principe, dans son arrêt Promialp, de la double condition de l’absence de droit à déduction lors de l’acquisition et de l’identité de qualification juridique du bien entre son acquisition et sa revente. Un contribuable prétendait que ce principe issu de l’application de l’article 268 du CGI, lui-même transposé de l’article 392 de la directive, méconnaissait le principe d’égalité devant la Loi et devant les charges publiques prévu aux articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

La Cour d’Appel de Grenoble lui avait fait droit en ne retenant que le principe de l’absence de déduction de la TVA lors de l’acquisition en excluant le critère de l’identité juridique du bien.

L’interprétation faite par le Conseil d’État pour appliquer l’article 268 du CGI ne constitue pas un aménagement des dispositions de l’article 392 de la directive.

Les dispositions de l’article 392 de la directive sont précises et inconditionnelles. Les contrôler reviendrait à contrôler le droit de l’Union Européenne, ce qu’il n’a pas la compétence de faire.

Le Conseil d’État refuse le renvoi de la QPC.

TVA sur les frais généraux

CE 9e-10e chambre 07/10/2020 N°426661, Sté Résidence de la Forêt

La TVA sur les frais généraux subis par les redevables partiels est récupérable proportionnellement à la part de leurs activités taxables.

S’agissant du cas particulier des EHPAD, qui réalisent des activités taxables (hébergement, restauration et assistance à la dépendance) et des activités exonérées (prestations de soins), les frais généraux ne doivent être incorporés qu’aux tarifs afférents aux opérations taxables selon les dispositions légales applicables à ces organismes.

Le Conseil d’État avait considéré (CE 05/11/2016 n°390874, Sté Le Parc de la Touques) que l’incorporation des frais généraux au seul chiffre d’affaires taxable permettait la déduction intégrale de la TVA y afférant.

La CJUE avait jugé quant à elle (CJUE 18/10/2018 aff. 153/17, Volkswagen Financial Services Ltd) que la répercussion financière des frais généraux sur une activité non taxable était sans incidence sur le droit à déduction dès lors que ces frais étaient en lien direct avec l’ensemble des activités taxables et exonérées de l’entreprise.

Faisant application de ce raisonnement, le Conseil d’État revient sur sa jurisprudence antérieure et considère désormais que le droit à déduction dépend de l’usage auquel sont destinés les biens et services en cause. Si ces frais participent à la réalisation conjointe d’activités taxables et d’activités exonérées, le droit à déduction est partiel quand bien même ils ne seraient répercutés que sur l’une ou l’autre de ces activités. Il est ainsi mis fin à la déduction totale de la TVA sur les frais généraux subis par les EHPAD du seul fait de leur répercussion sur les activités taxables. Cet arrêt a une portée plus générale et consacre le principe de la déduction en fonction de l’usage du bien ou du service au détriment d’une déduction en fonction de la refacturation.

Option pour la TVA local par local

CE 8e-3e ch. 9-9-2020 n° 439143, min. c/ SCI EMO

L’article 135 de la Directive 2006/112 du 28 novembre 2006 dispose que les états membres exonèrent les locations d’immeubles. L’article 137 prévoit qu’ils peuvent accorder aux assujettis le droit d’opter pour la taxation de ces locations. « Les États membres déterminent les modalités de l’exercice du droit d’option ».

Retranscrite dans le droit français à l’article 260 2° du CGI, cette disposition se traduit par la faculté pour l’assujetti d’ « acquitter la taxe sur la valeur ajoutée » pour « les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l’activité d’un industriel, d’un commerçant ou d’un prestataire de services lorsque le preneur est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L’option ne peut être exercée si les locaux nus donnés en location sont destinés à l’habitation ou à un usage agricole. »

L’article 193 de l’annexe II du CGI précise que « Dans les immeubles ou ensembles d’immeubles comprenant à la fois des locaux nus donnés en location ouvrant droit à l’option (…) et d’autres locaux, l’option ne s’étend pas à ces derniers mais elle s’applique globalement à l’ensemble des locaux de la première catégorie. »

Dans une affaire jugée par la Cour d’Appel de Nancy, l’administration estimait que l’option couvrait nécessairement la globalité des locaux d’un immeuble appartenant à l’assujetti, pour chaque tènement non exclu de la faculté d’option.

Le Conseil d’État juge que la faculté laissée aux états membres de déterminer les modalités d’exercice de l’option ne leur confère pas la possibilité de la subordonner à des conditions ou de restreindre les exonérations prévues par l’article 135, 1 mais leur réserve simplement la faculté d’ouvrir la possibilité d’opter pour la taxation, s’ils estiment que tel est leur intérêt.

La désignation des biens soumis à l’option doit néanmoins être effectuée précisément et sans équivoque.

Exemple : un assujetti détient un immeuble comportant deux appartement et deux commerces. Il peut opter pour l’ensemble de l’immeuble. Dans ce cas l’option est valable pour les deux commerces. Les appartements restent obligatoirement exonérés. Il peut également opter à la TVA au titre d’un seul des deux commerces.

TVA sur remboursements de frais et débours

La frontière entre refacturation de frais et débours est particulièrement difficile à cerner. La distinction a pourtant un impact sur l’imposition ou non à la TVA des sommes en cause. Cette dernière repose sur la notion de mandat. Si les refacturations de frais au titre de débours ne sont pas soumises à TVA, il est nécessaire de bien connaître les conditions d’application de ce régime, afin de se prémunir de tout risque fiscal.

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Auteur : Emmanuel DALOZ