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TVA sur la marge : refus d’une QPC

CE 8e et 3e chambre, 16/07/2020 n°435464

Le régime de la TVA sur la marge ne s’applique pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de son acquisition, était un terrain bâti, même si le bâtiment a été démoli par l’acheteur-revendeur.

Le Conseil d’État avait posé le principe, dans son arrêt Promialp, de la double condition de l’absence de droit à déduction lors de l’acquisition et de l’identité de qualification juridique du bien entre son acquisition et sa revente. Un contribuable prétendait que ce principe issu de l’application de l’article 268 du CGI, lui-même transposé de l’article 392 de la directive, méconnaissait le principe d’égalité devant la Loi et devant les charges publiques prévu aux articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

La Cour d’Appel de Grenoble lui avait fait droit en ne retenant que le principe de l’absence de déduction de la TVA lors de l’acquisition en excluant le critère de l’identité juridique du bien.

L’interprétation faite par le Conseil d’État pour appliquer l’article 268 du CGI ne constitue pas un aménagement des dispositions de l’article 392 de la directive.

Les dispositions de l’article 392 de la directive sont précises et inconditionnelles. Les contrôler reviendrait à contrôler le droit de l’Union Européenne, ce qu’il n’a pas la compétence de faire.

Le Conseil d’État refuse le renvoi de la QPC.

TVA sur les frais généraux

CE 9e-10e chambre 07/10/2020 N°426661, Sté Résidence de la Forêt

La TVA sur les frais généraux subis par les redevables partiels est récupérable proportionnellement à la part de leurs activités taxables.

S’agissant du cas particulier des EHPAD, qui réalisent des activités taxables (hébergement, restauration et assistance à la dépendance) et des activités exonérées (prestations de soins), les frais généraux ne doivent être incorporés qu’aux tarifs afférents aux opérations taxables selon les dispositions légales applicables à ces organismes.

Le Conseil d’État avait considéré (CE 05/11/2016 n°390874, Sté Le Parc de la Touques) que l’incorporation des frais généraux au seul chiffre d’affaires taxable permettait la déduction intégrale de la TVA y afférant.

La CJUE avait jugé quant à elle (CJUE 18/10/2018 aff. 153/17, Volkswagen Financial Services Ltd) que la répercussion financière des frais généraux sur une activité non taxable était sans incidence sur le droit à déduction dès lors que ces frais étaient en lien direct avec l’ensemble des activités taxables et exonérées de l’entreprise.

Faisant application de ce raisonnement, le Conseil d’État revient sur sa jurisprudence antérieure et considère désormais que le droit à déduction dépend de l’usage auquel sont destinés les biens et services en cause. Si ces frais participent à la réalisation conjointe d’activités taxables et d’activités exonérées, le droit à déduction est partiel quand bien même ils ne seraient répercutés que sur l’une ou l’autre de ces activités. Il est ainsi mis fin à la déduction totale de la TVA sur les frais généraux subis par les EHPAD du seul fait de leur répercussion sur les activités taxables. Cet arrêt a une portée plus générale et consacre le principe de la déduction en fonction de l’usage du bien ou du service au détriment d’une déduction en fonction de la refacturation.

Date d’acquisition en cas de licitation d’immeuble

CE 8e-3e chambre 09/09/2020 n° 436712

La licitation d’immeuble est l’acquisition par l’un des propriétaires d’une indivision de l’ensemble du bien auprès de ses co-indivisaires.

Selon les dispositions du IV de l’article 150 U du CGI, cette opération est un partage et non un acte translatif de propriété générateur de plus-value :

IV. – Le I* ne s’applique pas aux partages qui portent sur des biens meubles ou immeubles dépendant d’une succession ou d’une communauté conjugale et qui interviennent uniquement entre les membres originaires de l’indivision, leur conjoint, des ascendants, des descendants ou des ayants droit à titre universel de l’un ou de plusieurs d’entre eux.

* imposition des plus-values à l’impôt sur le revenu

En cas de revente ultérieure d’un tel bien, la question se pose de savoir quelle est la date d’acquisition de ce bien pour celui qui l’a acquis auprès de ses co-indivisiaires : s’agit-il de la date de la date de la succession ou de la date de la licitation intervenue plus tard ?

Le Conseil d’État juge que seule la date de la succession doit être retenue puisque la licitation n’est pas un acte translatif de propriété générateur de plus-value.

CIR : les sous-traitants ne tiennent pas compte des dépenses du donneur d’ordre

CE 8e-3e chambre 09/09/2020 n° 440523, SARL Takima

Les dépenses de recherche effectuées par un sous-traitant agréé pour le compte d’un donneur d’ordre entrent dans la base de calcul du Crédit d’Impôt Recherche de ce dernier.

CGI, Article 244 quater B :

III Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu’elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables. Il en est de même des sommes reçues par les organismes ou experts désignés au d et au d bis du II*, pour le calcul de leur propre crédit d’impôt.

* notamment les dépenses exposées pour la réalisation d’opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés

Le III de l’article 244 quater B, pris littéralement, laisse penser que ces sommes facturées par le sous-traitant doivent être déduite de sa propre base de calcul du CIR. Évidemment, en contrepartie, celui-ci peut ajouter dans sa base de calcul les dépenses engagées pour ce même projet. Mais, naturellement, les montants facturés au donneur d’ordre sont généralement supérieurs aux dépenses engagées, le sous-traitant n’ayant pas vocation à perdre de l’argent. Ainsi les montants déduits de la base de calcul sont, la plupart du temps, supérieurs aux montants ajoutés, ce qui conduit à pénaliser son CIR sur d’autres projets qui lui sont propres.

Exemple : l’entreprise sous-traitante facture 10.000 € à son donneur d’ordre. Elle a engagé 8.000 € de dépenses au titre de ce projet. Le donneur d’ordre pourra inclure 10.000 € dans la base de calcul de son CIR. Quant à l’entreprise sous-traitante, elle pourra inclure 8.000 € dans sa base de calcul mais devra déduire les 10.000 € reçus du donneur d’ordre. Sa base de calcul sera ainsi négative : 8.000 € – 10.000 € = -2.000 €. Ce montant viendra s’imputer sur les autres projets du sous-traitant.

Cette application littérale des textes est celle retenue par l’administration fiscale (BOI-BIC-RCI-10-10-20-30 n°220).

Dans une affaire jugée par le Conseil d’État, le contribuable forme un recours pour excès de pouvoir face à l’administration et soulève une question prioritaire de constitutionnalité : la méthode conduit à une différence de traitement du contribuable selon qu’il engage ou non des dépenses de recherches propres.

Le Conseil d’État juge qu’il n’y a pas lieu de transmettre une QPC au Conseil Constitutionnel. Il suffit de s’attacher à la volonté du législateur. Le terme « déduire » figurant à l’article 244 quater B doit être interprété comme interdisant au sous-traitant d’inclure dans ses dépenses éligibles celles de son donneur d’ordre. Par suite, elle n’a pas lieu de déduire de sa base de calcul les montants facturés. L’ensemble des produits et des charges relatifs à un projet du donneur d’ordre doivent être purement et simplement ignorés.

Exemple (suite) : dans l’exemple précédent, le donneur d’ordre inclut 10.000 € dans ses dépenses éligibles au CIR. Le sous-traitant ne tient compte ni de cette facturation ni des dépenses engagées pour ce projet.

Dutreil et FBO

Réponse Patriat : Sénat 03/09/2020 n°6410

Le Family Buy Out est la technique de transmission familiale qui consiste, pour un chef d’entreprise, à donner des titres à ses enfants qui les apportent eux-même à une holding créée à cet effet. Dans le cas de versement d’une soulte à un ou plusieurs enfants qui ne bénéficieraient pas de la donation, la charge de celle-ci est reprise par la société holding (apport à titre onéreux).

Si toutes les conditions du dispositif Dutreil sont remplies, cet apport ne remet pas en cause l’abattement de 75 % sur les droits de donation à condition que l’apport intervienne pendant la durée des engagements (collectifs et individuels) des repreneurs.

Le ministre précise que l’exonération partielle n’est pas remise en cause en cas d’apport, par les héritiers, à plusieurs sociétés holding distinctes.

Sa réponse contient également une précision quant aux conditions de la direction de la société holding : l’apport ne rompt pas l’engagement sous réserve que« les bénéficiaires de l’exonération en détiennent au moins 75 % du capital et des droits de vote et que l’un d’entre eux en assure la direction ». Ainsi, la direction de la société holding semble devoir être assurée par les seuls bénéficiaires de l’apport, c’est-à-dire les héritiers signataires de l’engagement collectif et de l’engagement individuel et non par le donateur.

Cession de titres annulée : l’impôt peut être réclamé

CE 8e-3e chambre 09/09/2020 n° 433821

Lorsqu’un contribuable souhaite se prévaloir d’une doctrine administrative, il doit en faire application lors de sa déclaration selon la jurisprudence (CE 20-12-1972 n° 81828 plén. : Dupont 1973 p. 127 ; CE 26-4-1976 n° 94233 plén. : RJF 6/76 n° 289). A défaut, il ne pourra s’en prévaloir ultérieurement et ce sont les dispositions légales qui s’appliqueront.

En matière de plus-values sur titres, l’article 150-0 A du CGI ne prévoit pas de remboursement de l’imposition d’une plus-value sur cession de titres en cas d’annulation de leur cession. A l’inverse, la doctrine administrative (RPPM-PVBMI-30-10-10) admet que « si ultérieurement le contrat est annulé, résolu ou rescindé, le contribuable peut obtenir, sur réclamation, une restitution partielle ou totale des droits indûment versés ».

Le contribuable peut-il se prévaloir de la doctrine dans ce cas ?

Oui, répond le Conseil d’État, car l’application de ce principe ne peut être faite au moment de la déclaration de l’impôt. Ce n’est qu’après avoir constaté la résolution de la vente que le contribuable est en mesure de l’appliquer. C’est donc une exception au principe dégagé par la jurisprudence.

Option pour la TVA local par local

CE 8e-3e ch. 9-9-2020 n° 439143, min. c/ SCI EMO

L’article 135 de la Directive 2006/112 du 28 novembre 2006 dispose que les états membres exonèrent les locations d’immeubles. L’article 137 prévoit qu’ils peuvent accorder aux assujettis le droit d’opter pour la taxation de ces locations. « Les États membres déterminent les modalités de l’exercice du droit d’option ».

Retranscrite dans le droit français à l’article 260 2° du CGI, cette disposition se traduit par la faculté pour l’assujetti d’ « acquitter la taxe sur la valeur ajoutée » pour « les personnes qui donnent en location des locaux nus pour les besoins de l’activité d’un industriel, d’un commerçant ou d’un prestataire de services lorsque le preneur est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L’option ne peut être exercée si les locaux nus donnés en location sont destinés à l’habitation ou à un usage agricole. »

L’article 193 de l’annexe II du CGI précise que « Dans les immeubles ou ensembles d’immeubles comprenant à la fois des locaux nus donnés en location ouvrant droit à l’option (…) et d’autres locaux, l’option ne s’étend pas à ces derniers mais elle s’applique globalement à l’ensemble des locaux de la première catégorie. »

Dans une affaire jugée par la Cour d’Appel de Nancy, l’administration estimait que l’option couvrait nécessairement la globalité des locaux d’un immeuble appartenant à l’assujetti, pour chaque tènement non exclu de la faculté d’option.

Le Conseil d’État juge que la faculté laissée aux états membres de déterminer les modalités d’exercice de l’option ne leur confère pas la possibilité de la subordonner à des conditions ou de restreindre les exonérations prévues par l’article 135, 1 mais leur réserve simplement la faculté d’ouvrir la possibilité d’opter pour la taxation, s’ils estiment que tel est leur intérêt.

La désignation des biens soumis à l’option doit néanmoins être effectuée précisément et sans équivoque.

Exemple : un assujetti détient un immeuble comportant deux appartement et deux commerces. Il peut opter pour l’ensemble de l’immeuble. Dans ce cas l’option est valable pour les deux commerces. Les appartements restent obligatoirement exonérés. Il peut également opter à la TVA au titre d’un seul des deux commerces.

TVA sur remboursements de frais et débours

La frontière entre refacturation de frais et débours est particulièrement difficile à cerner. La distinction a pourtant un impact sur l’imposition ou non à la TVA des sommes en cause. Cette dernière repose sur la notion de mandat. Si les refacturations de frais au titre de débours ne sont pas soumises à TVA, il est nécessaire de bien connaître les conditions d’application de ce régime, afin de se prémunir de tout risque fiscal.

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Auteur : Emmanuel DALOZ